Critique - Orphelins : pris au piège - Avignon Off - (16/07/19) 

Le monde selon Dennis Kelly manque cruellement de douceur. Ses personnages, que ce soit dans Débris, L’abattage rituel de George Mastromas ou Love and Money, doivent toujours lutter. Et ils encaissent tellement de coups qu’ils sont bien obligés à un moment donné de sacrifier à la morale pour simplement exister. C’est le cas aussi dans Orphelins. Dans cette pièce, que monte le collectif La Cohue, un jeune couple s’apprête à dîner en amoureux pour fêter l’arrivée prochaine de leur deuxième enfant. Mais la soirée est perturbée par l’entrée inopinée du jeune frère de la femme, couvert de sang. Il explique qu’il a aidé un garçon agressé dans la rue et tente de minimiser l’événement. Toute la pièce joue sur le doute qui s’empare du couple et aussi des spectateurs. D’où le réflexe naturel de les rapprocher des personnages par une scénographie trifrontale (ou quadrifrontale dans la mise en scène qu’en avait faite Chloé Dabert). Comme le couple, on est en quelque sorte pris en otage par le jeune frère. Mais c’est aussi une façon pour Dennis Kelly de nous obliger à considérer la situation de personnes qui vivent dans une banlieue difficile de Londres. Ce frère et cette sœur ne sont pas seulement orphelins de père et de mère, ils sont aussi orphelins du regard des autres et quelque part c’est cette injustice que la pièce tente de rétablir. La proposition de la Cohue rend bien compte de ça avec un jeu très agressif qui bouscule le spectateur, très inconfortable. Car si dans la première partie, le frère manque de dangerosité en faisant un peu trop le malin, il nous piège ensuite avec virtuosité pour mieux questionner notre humanité.

Hélène Chevrier

Orphelins, de Dennis Kelly, mise en scène Sophie Lebrun et Martin Legros
11 Gilgamesh Belleville, 11 boulevard Raspail Avignon, 04 90 89 82 63
jusqu’au 26/07 à 20h35, sauf 10, 17 et 24/07



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