Critique - Die Kabbale, Kolossal Castorf - Avignon In - (11/07/17)

Le turbulent Frank Castorf a adapté Le Roman de monsieur de Molière de Boulgakov, sous le titre La Cabale des dévots, de manière très libre. Il fusionne dans un feuilleton de près de six heures le combat de Molière au moment de Tartuffe, la lutte de Boulgakov se projetant dans l’image et le mythe de Molière, les fureurs de Fassbinder tournant son film Prenez garde à la sainte putain et sa propre expérience, à lui Castorf, non-reconduit l’an dernier à la tête du théâtre de la Volskbühne. Il y ajoute des extraits de pièces de Molière, Racine, Corneille et des propos nés d’improvisations où les acteurs disent parfois ce qui leur passe par la tête. Tout cela dans un langage à la fois artisanal et technologique, la part de l’image filmée en direct et donnée sur un écran central tant prépondérante.
Une vaste scène de sable comporte en son centre un énorme chariot qui, comme le autres éléments sur roulettes, sera une aire de jeu et se déplacera en cours de soirée : c’est un hommage aux fêtes avec machines à la cour de Versailles. Le jeu d’Alexander Sheer (Molière), Jeanne Balibar (Madeleine Béjart), Jean-Damien Barbin, Lars Rudolph, tend à l’hystérie, à la parodie, à la fureur, mais dans une grande joie du jeu baroque. La vision des femmes est machiste et tout n’est pas du meilleur goût. Mais cette entreprise géante, colossale, pleine d’idées, réfléchit sur l’Histoire et sur le sens du théâtre avec une vitalité stupéfiante. Ou on la refuse ou on se laisse emporter par ce fleuve impétueux unique dans le théâtre européen.

Gilles Costaz

Die Kabbale der Scheinheiligen, das Leben des hern de Molière, d’après Boulgakov et d’autres auteurs, spectacle en allemand surtitré, mise en scène de Frank Castorf, avec Alexander Scheer, Jeanne Balibar, Georg Friedrich, Jean-Damien Barbin, Lars Rudolph, Hanna Hilsdorf (photo RDL)
Parc des Expositions, Avignon (à 10 km du centre, direction Cavaillon, navette)
jusqu’au 13 juillet


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