Place des Héros : l’impossibilité d’une vie - Avignon IN - (20/07/16)

Après Des Arbres à abattre de Thomas Bernhard en 2015, Krystian Lupa est invité une nouvelle fois au Festival d’Avignon pour Place des Héros, pièce tardive du même auteur autrichien, écrite un an avant sa mort en 1988.
Dans un grand appartement presque vide, Hera et madame Zittel cirent des chaussures et repassent quelques chemises. Gestes machinaux car inutiles : le professeur Schuster, leur patron, s’est suicidé la veille. Deux tableaux succèderont à celui-ci : après l’enterrement, les filles du professeur et leur oncle discutant dans un parc et enfin, le dîner familial au milieu des cartons dans un salon aux murs nus.
Pendant chacune de ces situations, la tension entre les personnages est profondément palpable. Krystian Lupa insiste sur l’intensité extrême qui émerge d’une lenteur volontaire dans laquelle est pratiqué chaque geste. Le spectacle peut paraître long, compliqué, difficile mais il est captivant, comme un joyau patiemment sculpté, taillé par un orfèvre de génie.
Chaque détail ajoute au génie : Lupa a travaillé l’ambiance sonore et utilise la vidéo avec finesse, comme pour plonger le spectateur dans ce manque immense qui vient de se créer dans l’âme de ses personnages. L’homme s’est jeté par la fenêtre car, cinquante ans après Hitler, le spectre haineux plane encore sur la Place des Héros. Par une dramaturgie brillante et une mise en scène splendide, Krystian Lupa montre que le pire reste à venir et que le désespoir a été élevé au rang de mode de vie.

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