ETRE OU PARAITRE, Corps sans décor (11/07/15)

C’est un homme lié, retenu par une longue corde, qui entre en scène tendu de tout son être vers une inatteignable couronne posée au sol. Contorsions violentes, puissance maximale retenue, contenue, il s’en empare par ruse. De sa bouche sort un rire suivi de paroles coupantes. Ses mots sont ceux d’Aragon, de Shakespeare ; il tente une réflexion sur le poète, la place de l’homme. 
Julien Derouault et Marie Claude Pietragalla ont voulu ensemble ce solo atypique qui n’est pas qu’un mouvement dans l’espace. Derouault est cet interprète capable de créer à l’infini de son être robuste pour écrire en geste l’inépuisable condition de l’artiste. Il joue de son corps, de ses muscles, se fait des gueules chapeautées, couronnées, hébétées, passe du mouvement le plus élégant à la plus ridicule posture. Une théâtralité évidente. Des lumières franches taillent à la serpe son visage de Christ. Est-il ou paraît-il ? Un instant, il joue les bateleurs, frise le cabot pour chauffer la salle façon Monsieur Loyal. Inutilement ; on le suit de toute façon même dans les propos les plus décousus. Julien Derouault épouse la musique de son virtuose compère pianiste, Yannaël Quenel, et nous envoûte dans plusieurs véritables moments de grâce. Le plateau est à lui. Rien qu’à lui, pour nous.

François Varlin

Etre ou paraître, textes Aragon et Shakespeare. Chorégraphie et mise en scène : Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault. Avec Julien Derouault. Création musicale : Yannaël Quenel. Photo pascal elliott
Théâtre du Chien Qui Fume, 75 Rue des Teinturiers, 84000 Avignon, 04 90 85 25 87
à 22h30

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