Old times - Marianne Denicourt, “au service” de Pinter  - (25/04/16)

Sur le plateau du Théâtre de l’Atelier, une maison en bord de mer. Deeley (Emmanuel Salinger) et Kate (Marianne Denicourt) attendent Anna (Adèle Haenel), une amie que Kate n’a pas revue depuis 20 ans. Benoit Giros a transposé la pièce d’Harold Pinter, Old times, publiée en 1971, aujourd’hui. “ Une pièce pleine d’impressions et de souvenirs, la collision d’Anna et d’un couple isolé dont les secrets inavoués font que la vie devient insupportable ”, dit le jeune metteur en scène. “ Fascinante et vertigineuse, toutes les manières de la voir sont justes ”, renchérit Marianne Denicourt qui était récemment au cinéma dans Médecin de campagne de Thomas Lilti. 

Marianne Denicourt connaissait l’œuvre du dramaturge anglais “ sans la connaître ”, elle avait toutefois lu Trahisons, Le Retour et L’Anniversaire. Elle a longuement mûri le personnage de Kate. “ Il désarçonne parce qu’il est assez silencieux. Elle se tait jusqu’à la fin où elle déborde de paroles et plus personne ne parle. Il y a chez elle comme un secret, un mystère à découvrir, elle endure quelque chose. Pinter parle beaucoup de domination. Il ne donne pas tout. Il dit lui-même que ses personnages sont très réalistes, même si ce qu’il fait ne l’est pas. Michel Bouquet dit que le théâtre, c’est rencontrer l’auteur. Il dit aussi que si on aime l’auteur, il nous aime (en souriant, NDLR). Pour aimer quelqu’un, il faut le connaître, donc je suis allée à la rencontre de Pinter.” 

Parisienne -elle est née dans le 13ème arrondissement-, la comédienne formée par Patrice Chéreau et Luc Bondy aime travailler ses rôles très en amont, sans pour autant s’interdire de “ surprendre ”.  Elle explique : “Kate, c’est le trajet d’une métamorphose et d’une émancipation. Les autres parlent d’elle en sa présence, mais ils ne savent pas qui elle est. Ils la considèrent comme douce, rêveuse, probablement sensible, ils décident pour elle, mais elle accomplit un chemin qui apparaîtra à la fin de la pièce. C’est Kate qui donne les clefs sur le passé.” 

A l’instar de Michel Bouquet, Marianne Denicourt souhaite se mettre “ au service ” du texte. “ L’art de l’acteur est de réfléchir, si on ne fait que sentir, on est conventionnel. Il faut chercher dans l’auteur, l’autre, le partenaire, l’alchimie de ce qui se passe sur scène. Pendant les répétitions, j’ai d’abord regardé Adèle Haenel et Emmanuel Salinger, j’étais un peu comme Kate. Je me demandais par où rentrer, quelle est la vérité de ce personnage, de cette pièce. Kate n’est pas dans la nostalgie ou le passé contrairement à Deeley et Anna.”   

Disponible, à l’écoute, Benoît Giros laisse les acteurs s’exprimer. “ Il est ouvert ”, confirme Marianne Denicourt. “Krystian Lupa dit qu’un personnage est une danse entre l’acteur et le rôle. On ne peut rien présupposer, même nous. Ce que j’ai appris avec Chéreau et Bondy m’a constituée, même au cinéma. Luc Bondy m’a appris l’art de l’instant. Il laissait une grande marge à la proposition de l’acteur.”

C’est la première fois que Marianne Denicourt donne la réplique à Adèle Heanel. L’actrice est elle aussi issue du théâtre. “ Kate et Anna ont une relation merveilleuse, on ne sait pas si elles ont été amies, amantes, tout à la fois. Il y a des flash-back à l’époque quand elles avaient 20 ans, dans leur petite chambre à Londres. Emmanuel et elle sont des gens très habités. Il y a beaucoup d’échanges. ” 

Nathalie Simon

Old times, de Harold Pinter, mise en scène Benoît Giros, avec Marianne Denicourt, Adèle Haenel et Emmanuel Salinger. Théâtre de l’Atelier, 1 place Charles Dullin 75018 Paris, 01 46 06 49 24, jusqu’au 12/06 
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