Critique In - La distance qui nous bouleverse

Dans son nouveau texte, La distance, Tiago Rodrigues nous entraîne dans ce qui pourrait passer pour une dystopie. En 2077, sur une Terre abîmée par le réchauffement climatique et tombée aux mains de sociétés aux pratiques dictatoriales, un médecin qui tente de résister, apprend que sa fille chérie s’est embarquée pour la planète Mars avec un groupe de convaincus pour créer là-bas une nouvelle colonie régie par des rapports égalitaires. La promesse du nouveau monde s’accompagne de l’abandon par les colons de leur mémoire personnelle grâce à la prise d'un cocktail chimique pendant une année. Commence alors un échange de messages verbaux au cours duquel le père tente de convaincre sa fille de revenir. Installés sur une tournette dont la rotation les soumet telle une grande horloge aux échéances du temps qui passe et les éloigne de plus en plus. "Vous ne croyez plus qu’il faut changer le monde et vous voulez changer de monde". Tel est le constat qu'assène le père à sa fille. Cet homme malgré tout animé jusqu’au bout par l’espoir, apprend à ses dépens que l’autre, même lorsque cet autre est son propre enfant, reste toujours un inconnu.
Un spectacle bouleversant, dont la force tient aussi au fait que l’histoire, les idées, le jeu des comédiens et le dispositif s’accordent dans un mouvement qui les dépasse à l’image de celui du cosmos. Cosmos où chaque objet trouve une place et un sens.