Carole Thibaut, directrice du Théâtre des Îlets à Montluçon

Dès l’autorisation de rouvrir les salles de spectacles, Carole Thibaut a mobilisé les équipes du Théâtre des Îlets qu’elle dirige à Montluçon autour de toutes sortes d’actions gratuites pour retrouver le public. Avant d’entamer une nouvelle saison tellement incertaine qu’elle l’a conçue comme un jeu de cartes à tirer…


Dès la levée du confinement, le théâtre des Îlets a repris son activité…
Oui. On a constitué une jeune troupe permanente qu'on accompagne pendant deux ans en professionnalisation et après on les engage comme des acteurs intermittents. Ils avaient commencé à répéter une pièce avant d’être interrompus par le confinement et ont repris dès la sortie. On a décidé exceptionnellement de présenter le spectacle à côté du théâtre, à l'extérieur dans un grand parc, avant qu'ils ne partent jouer dans la campagne. On a aussi fait des lectures pour les enfants. On a essayé de faire le maximum de choses en extérieur pour éviter les masques mais en respectant la distanciation. On a assis par exemple les enfants dans des cerceaux, c’est un truc qu’on a vu en maternelle et c’est plus rigolo pour eux. Et quand il a fait mauvais, on s'est quand même repliés à l'intérieur avec masque et distanciation physique… En distancié, cela donnait 50 spectateurs alors qu’en jauge pleine on monte à 80. On se demandait vraiment si les gens allaient venir, s'ils n'allaient pas avoir peur. En fait, on a eu plein de monde sur liste d'attente. On a même fait venir une friterie. Même les gamins qui jouent autour dans le parc venaient spontanément voir ce qu’on faisait. Et à partir du 8 juillet, la jeune troupe est partie en itinérance dans les villages autour, à la prison, sur les marchés avec une estafette des années 70 qu’on a récupérée et repeinte et qui maintenant sert au théâtre. 

Quels sont les spectacles que vous proposez alors ?
Pour les marchés, on a fait une commande d'écriture à Mohamed Rouabhi de courtes scènes de 15 minutes. Ce sont des mini rencontres particulières avec des artistes. On a fait des groupes de 2 à 10 spectateurs qui sont conduits à travers une balade extérieure. Mais j’ai aussi dit aux artistes de venir avec ce qu’ils voulaient. Et cela donne des esthétiques très différentes entre une proposition de lévitation de Pierre Meunier, des extraits de textes d’auteurs de prédilection de Patrick Pineau et Sylvie Orcier, ou une scène de danse par Philippe Ménard. Ici il n'y a pas de tête d'affiche, pas de pièce de Molière. Les gens viennent pour l'art théâtral simplement. 

Comment envisagez-vous la rentrée ?
On rouvre le 17 août. On a maintenu ce qu’on avait imaginé en essayant de sécuriser au maximum les créations, parce que 70 % des spectacles qui se jouent chez nous sont des créations. On a mis en place un budget pour des temps de présence supplémentaires pour que si on doit jouer devant une jauge réduite, on puisse augmenter le nombre de représentations. 
Cela implique que les artistes restent plus longtemps à la disposition du théâtre…
On a négocié avec toutes les compagnies pour qu'elles nous gardent des possibilités de représentation. Et si elles ne pouvaient pas créer leur spectacle devant du public, on voudrait qu’elles puissent quand même proposer quelque chose, même si ce n'est qu’un extrait, qu’un monologue. Ce qui change c’est que sur notre programme, les spectacles n’ont pas de dates, seulement une saison de représentation : automne, hiver, printemps. Du coup, on le présente comme un jeu de cartes à tirer, dessinées par Marion Fayolle. On s'engage à ce que tous les spectacles qu'on accompagne en création le public puissent être vus à un moment donné. Même si le théâtre fermait à cause d’un reconfinement, certains artistes seront là et inventeront des choses. 

Qu’est-ce que le confinement a changé dans votre façon de faire du théâtre ?
Ça nous amène vraiment à réfléchir sur l'économie et les fondements du théâtre public. A l’échelle d’un territoire, il influe sur la vie d'une ville. Par exemple, on va créer l'an prochain un chœur amateur, le chœur des Îlets, avec Nadège Prugnard qui vient créer Fado dans les veines en décembre. On fait souvent appel à des amateurs pour intervenir sur les marchés avec nous et on finit par avoir un noyau de gens hyper engagés. Et puis dans nos rapports avec les autres lieux, on ne veut plus remplir une case. A partir de maintenant, on va appeler tous les lieux où on va jouer l'an prochain pour leur proposer de faire un rendez-vous avant les représentations avec toute l'équipe et leur raconter toute la genèse des spectacles qu’on leur propose. On ne veut plus être dans un rapport consumériste à la culture.

Propos recueillis par Hélène Chevrier



Pratique


Théâtre des Îlets
Centre Dramatique National Montluçon – Région Auvergne


27 Rue des Faucheroux
03100 Montluçon


Information : 
04 70 03 86 18 


Site internet :

theatredesilets.com